On le croyait rangé aux oubliettes des années 80, relégué parmi les erreurs capillaires dont personne n’osait parler. Pourtant, le mullet cut a su se frayer un chemin discrètement, jusqu’à revenir aujourd’hui comme un véritable statement. Pas une mode, non. Un manifeste. Un doigt d’honneur bien coiffé au consensus capillaire. Et si tu crois encore que cette coupe se limite à des souvenirs flous de Billy Ray Cyrus et des rednecks américains, il est temps de t’actualiser.
Retour en douceur d’un ovni capillaire
Le concept est simple : court devant, long derrière. Injustement moqué, souvent incompris, le mullet n’a jamais totalement disparu. Il s’est infiltré dans les marges, gardé en vie par les punks, les fans de glam rock ou les amateurs de second degré bien dosé. Aujourd’hui, ce n’est plus un gag. C’est un truc qu’on assume. Voire qu’on revendique.
La preuve ? Depuis deux ou trois ans, il pullule dans les défilés comme dans la rue. Vu chez Gucci, validé par Rihanna, remixé par des barbiers londoniens et tatoué dans les têtes de kids nés bien après sa glorieuse époque. Le mullet moderne a fait sa mue : plus net, mieux travaillé, moins « permed & feathered 85». Et pourtant, il conserve son étrangeté fascinante.
De Joe Dirt à Miley Cyrus : un retour en famille
Personne n’a vu venir la renaissance du mullet, pas même ses plus fervents ennemis. On pensait ce look mort et enterré quelque part entre un poster de Def Leppard et un T-shirt tie & dye jauni. Et puis voilà que Miley Cyrus débarque en 2020 avec une version punkette débraillée et qu’on commence à réévaluer la chose. Elle n’a pas juste coupé ses cheveux. Elle a fait entrer le mullet dans la Gen Z.
Depuis, les exemples pleuvent :
- Doja Cat le porte ultra déstructuré sur les tapis rouges.
- Troye Sivan y ajoute une touche queer rétro-cool parfaitement dosée.
- Damiano David de Måneskin l’habille de cuir, de maquillage noir et d’un je-m’en-foutisme étudié.
Et pendant ce temps, dans certains coins d’Europe ou d’Australie, des concours de mullets fleurissent, mélangeant look rock’n’roll et esprit festif façon foire agricole. Preuve que le mullet reste un phénomène à facettes multiples. Parfois caricatural, souvent bordé de sincérité.
Pourquoi le mullet séduit à nouveau
Trois raisons, à mon sens. Et pas besoin d’aller les chercher dans des thèses sociologiques :
- Il incarne la dualité. Cette coupe est à la fois sage (frange bien rangée devant) et délurée (longue crinière non contrôlée derrière). Elle dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : qu’on peut être plusieurs choses à la fois. Corporate la semaine, sauvage le week-end.
- Elle ne copie pas, elle renouvelle. Le mullet 2024 n’est pas une réplique nostalgique. C’est une relecture. On y colle des effets texturés, des couleurs flash, des contours bien dessinés. Il devient un vrai terrain de jeu chez le coiffeur, un espace d’expérimentation à la portée de tous genres.
- Il a ce côté foutrement rebelle. Porter un mullet aujourd’hui, c’est se foutre du regard des autres. C’est ne pas chercher l’unanimité. Et dans un monde où tout le monde veut plaire à tout le monde, ça a de la gueule.
Ajoute à ça une forme de simplicité : le mullet, bien taillé, demande peu d’entretien. Il pousse bien. Il vieillit bien. Et il colle naturellement à la vibe rock ou urbaine selon comment tu l’habilles.
À qui va vraiment le mullet ?
Question épineuse. Et réponse directe : pas à tout le monde, mais à plus de gens qu’on croit.
Si tu t’attends à un effet lissé et corporate, passe ton chemin. Le mullet fonctionne pour celles et ceux qui acceptent un peu d’irrégularité. C’est pas un modèle pour LinkedIn, c’est une coupe pour les bars moites, les manifs, les afters, les studios de répèt’. Un peu débraillée, jamais sage, toujours singulière. Bref, pas une coupe de patrimoine, une coupe de caractère.
Et pourtant, elle s’inscrit aujourd’hui dans des looks variés, pas forcément excentriques :
- Un cheveux afro, bien dessiné façon 80’s remixé, ça tabasse.
- Une version féminine sur carré court et frange longue, c’est chic et différent.
- Sur cheveux raides, teinte platine ou pastel, ça donne un côté cyberpunk assumé.
- Et bien sûr, en mode dirty rock, jean noir, boots et veste élimée, c’est toujours une valeur sûre sur une scène ou derrière un bar.
Donc non, ce n’est pas forcément réservé aux ex-métalleux ni aux TikTokers post-ironiques. Le mullet s’adapte. Mieux encore, il révèle. Il dit un truc sur ton rapport à la norme. Sur ton envie de sortir — juste un peu — des rails sans t’habiller comme Bowie non plus.
Comment l’adopter sans passer pour un cosplay d’années 80
Astuce N°1 : Trouve un ou une bonne coiffeuse. Sérieusement. Le mullet, c’est plus technique qu’on croit. Il faut que les dégradés soient maîtrisés, les volumes équilibrés. Sinon, tu ressembles à une mauvaise parodie de footballeur de D2 bulgare. Chope un salon qui connaît le look ou ose demander à un barbier old school qui a gardé l’art du rasoir subtil.
Astuce N°2 : Ne le compense pas à outrance. Inutile d’en rajouter dans un look 100% revival fluo ou bandana. Le mullet se suffit à lui-même. Un bon tee gris, un mom jean, une paire de Converse. Ou au contraire, un total look sobre, costume bien coupé, coupe chaos. Le décalage est stylé, justement parce que c’est inattendu.
Astuce N°3 : Entretiens mais ne lisse pas. Le mullet vit mieux avec un peu de texture. Une mer de sel, une cire légère en backstage, voire rien du tout si t’as le cheveu naturellement sauvage. Mais pas de brushing 90’s, hein. On est en 2024, pas au mariage de ta cousine en VHS.
Un signal pour les temps incertains
Peut-être que le succès actuel du mullet en dit long sur notre époque. Une époque où tout semble mouvant, où les codes changent tous les trois mois, où rien n’est vraiment figé. Comme cette coupe. Ni vraiment punk, ni totalement mainstream. Pas tout à fait propre, pas complètement sale.
Le mullet c’est un peu le hoodie capillaire : tu peux le porter presque partout, mais s’il est mal taillé, c’est triste. Et si t’en abuses, tu bascules dans le ridicule. D’où l’intérêt de le porter avec conscience. Comme une blague qu’on fait sérieusement. Ou un clin d’œil qui vient du fond du crâne.
Et puis, faut pas se mentir : on s’emmerde un peu avec tous ces dégradés lisses et les coupes sans âme. Le mullet réveille le cuir chevelu, il grince un peu, il ose. Comme un bon solo de guitare entre deux couplets vendus au stream.
Alors, tu passes à l’acte ?
Si t’hésites encore, pose-toi les bonnes questions : est-ce que t’as envie de conversations inattendues dans des ascenseurs publics ? Est-ce que t’as envie qu’on te demande « Mais pourquoi cette coupe ? » et que tu puisses répondre « Juste parce que » ? Est-ce que t’assumes d’enfin sortir du moule, même vaguement ?
Si la réponse est oui, bienvenue dans le club.
On n’y distribue pas de peignes.